À travers le rétroviseur de nos vies : confronter les démons du passé

Ils ne sont jamais suffisamment loin

^{Dans votre véhicule, sur une autoroute à vitesse grand V ou dans le Traffic en plein centre-ville.}

^{Avez-vous l’habitude de regarder les conducteurs restés derrière vous depuis votre rétroviseur ?}

Vous levez les yeux et sans trop d’effort, vous pouvez lire l’inscription : objects in mirror are closer than they appear. Pour les moins anglophile d’entre vous : les objets dans le rétroviseur sont plus proches qu’ils n’en ont l’air. Cette simple phrase, gravée dans notre quotidien est une piqure de rappel. Comme pour nous signaler que ce que nous avons dépassé, les autres usagers dans ce cas de figure, n’est pas aussi loin qu’on le croit.

Avez-vous par curiosité tenté de vous retourner afin de voir de vos propres yeux la voiture dans votre retro ?

Elle est effectivement juste derrière vous, plus proches que ce que votre rétroviseur vous montrait.

Pourtant, cette vérité ne s’applique pas seulement aux objets que nous dépassons en circulation. De la même manière que ces voitures restent plus proches qu’elles n’en ont l’air dans notre rétroviseur, les sentiments profonds et les traumatismes du passé continuent de nous suivre de près, de nous affecter.

Parlons de particularités.

Pour moi comme pour certains parmi vous des blessures de notre passé peinent encore à se refermer. C’est le cas lorsque pendant 6 ans on essaie de faire le deuil d’une relation, qu’un ami perd la vie dans des circonstances tragiques sans qu’on ait eu le temps de faire nos adieux. Ou plus profondément et discrètement quand tout au long de notre enfance nous avons eu à faire à la tyrannie de nos petits camarades et même parfois des adultes.

J’ai entendu dire que : « les enfants pouvaient se montrer particulièrement méchants ». Beaucoup de fois ceci est vrai, vous vous en rendez compte lorsque vous êtes durant tout un cursus le petit mouton noir face au harcèlement de tous. Nous finissons par grandir parfois en oubliant que l’enfant que nous avons été ne disparait pas. Il muri, grandi, apprend à se défaire de l’immense poids du passé ou à le refoulé soigneusement dans un coin de son esprit en attendant le jour où ce poids devient trop lourd à porter. 

S’il y a une chose que la leçon du rétroviseur nous apprend c’est que tout ce que nous avons dépassé reste là. Suffisamment loin pour nous laisser une chance d’y échapper mais suffisamment proche pour être en mesure de nous rattraper. 

Reparlons de particularités.

La jeune enfant de dix ans que nous avons été par le passé a grandis. Elle s’est débattue et a laissé la scène à une jeune femme de vingt-trois ans, parfois sûre d’elle mais très souvent en proie aux fantômes du passé. Rappelez vous : ce que nous avons dépassé n’est pas aussi loin que nous le pensons.

Elle se retrouve de nouveau hésitante, craignant l’abandon, l’attachement, les regards, les avis sans se rendre compte que ce sont les peurs de l’enfant intérieur qu’elle reconduit.

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, c’est le moment que j’ai choisi pour tenter d’affronter mes démons. Oser enfin m’habiller en dehors des codes, assumer mes cheveux pour la première fois, tenter de dire « je t’aime » à mes proches. Aller seule dans un resto, remonter sur scène pour prendre la parole en m’affranchissant des regards. Et assumer mon accent un peu trop assimilé pour certains et énormément d’autres petites choses du quotidien.

Ah, oser retomber amoureuse et prendre le risque d’être vulnérable, mais surtout avancer quoi qu’il arrive.

Et vous savez quoi j’ai adoré ça!

On dit que c’est lorsque nous essayons que nous prenons le risquer d’y arriver. Que c’est lorsque nous nous perdons que le voyage commence et que nous obtenons une chance de nous retrouver.

Alors oui j’essaie et ça m’a amené à regarder mes démons dans le rétroviseur de ma vie. J’ai pris conscience qu’ils pourraient me rattraper. Je me suis parfois retournée pour aller à leur rencontre, pour essayer d’en faire des alliés et tenter de cheminer avec eux un jour après l’autre.

Pour être honnête, mes démons m’ont rattrapée, plusieurs fois au cours des six dernières années, et les vaincre est un combat quotidien. Mais je suis désormais consciente de leur présence, je sais qu’un jour où l’autre ils seront de nouveau là.

Et lorsque ce jour viendra, je serais prête, car j’ai une longueur d’avance.

Mariam SISSOKO (Demmy)